PREMIÈRE SECTION

 

 

AFFAIRE KARAHALIOS c. GRÈCE

 

 

(Requête no 62503/00)

 

 

ARRÊT

 

 

STRASBOURG

 

 

11 décembre 2003

 

 

 

DÉFINITIF

 

14/06/2004

 

 

 

 

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Karahalios c. Grèce,

La Cour européenne des Droits de l'Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

          MM.  P. Lorenzen, président,
                   C.L. Rozakis,
                   G. Bonello,
          Mmes  F. Tulkens,
                   N. Vajić,
                   E. Steiner,
          M.     K. Hajiyev, juges,
et de M. S. Nielsen, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 26 septembre 2002 et 20 novembre 2003,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 62503/00) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet Etat, M. Ioannis Karahalios (« le requérant »), a saisi la Cour le 24 mars 2000 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant, qui a été admis au bénéfice de l'assistance judiciaire, est représenté par Me I. Ktistakis, avocat au barreau de Thiva. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par les délégués de son agent, M. S. Spyropoulos, assesseur auprès du Conseil Juridique de l'Etat et Mme M. Papida, auditrice auprès du Conseil Juridique de l'Etat.

3.  Le requérant alléguait en particulier que le refus de l'administration de se conformer à un arrêt de la cour administrative d'appel lui allouant certaines sommes portait atteinte à ses droits garantis par les articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1.

4.  La requête a été attribuée à la deuxième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d'examiner l'affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l'article 26 § 1 du règlement.

5.  Le 1er novembre 2001, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la première section ainsi remaniée (article 52 § 1).

6.  Par une décision du 26 septembre 2002, la chambre a déclaré la requête partiellement recevable.

7.  Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l'affaire (article 59 § 1 du règlement).

EN FAIT

8.  Le requérant est né en 1942 et réside à Athènes.

9.  Le requérant est ingénieur civil et entrepreneur de travaux publics. La présente affaire porte sur une procédure engagée par le requérant en vue d'obtenir le paiement du solde pour les travaux effectués dans le cadre d'un marché public.

10.  Le 16 novembre 1993, la cour administrative d'appel (Τριμελές Διοικητικό Εφετείο) de Tripolis fit droit à ses demandes et fixa les montants qui devaient être versés au requérant par la caisse de la préfecture d'Arkadia (arrêt no 175/1993).

11.  Le 15 mars 1994, la préfecture d'Arkadia se pourvut en cassation.

12.  Le 1er mars 1999, le Conseil d'Etat rejeta le recours pour tardiveté (arrêt no 612/1999). L'arrêt no 175/1993 devint alors définitif. Toutefois, en dépit des démarches du requérant, l'administration n'a pas procédé au paiement des sommes dues.

13.  Le 5 juin 1999, le requérant saisit à nouveau la cour administrative d'appel de Tripolis, qui, le 14 juin 2001, condamna la préfecture d'Arkadia à lui verser 62 898 935 drachmes, plus la taxe sur la valeur ajoutée pour la période allant du 5 juin 1999 jusqu'au versement (arrêt no 277/2001).

14.  Le 30 janvier 2002, la préfecture d'Arkadia se pourvut en cassation. Son pourvoi est actuellement pendant devant le Conseil d'Etat.

15.  Entre-temps, le 21 janvier 2002, le requérant engagea la procédure d'exécution forcée à l'encontre de la préfecture d'Arkadia. En effet, le requérant se prévalut d'une réforme récente du droit interne, en vertu de laquelle il est désormais possible d'engager la procédure d'exécution forcée à l'encontre de l'Etat, des organismes de collectivité locale et des personnes morales de droit public. Il procéda ainsi à la saisine des dépôts bancaires de la préfecture, d'un montant total de 108 510 702 drachmes (318 447 euros). Cette somme fut versée au nom du requérant à la Caisse des dépôts et consignations, le 6 mars 2002.

16.  Le 7 mars 2002, le requérant saisit le tribunal de première instance de Tripolis d'une demande tendant à obtenir le versement de cette somme.

17.  Le 27 juin 2002, le tribunal rejeta la demande au motif que les créanciers du requérant (l'Etat et une banque) avaient déjà saisi la somme versée à la Caisse des dépôts et consignations pour le recouvrement de leurs créances à l'encontre du requérant (décision no 329/2002).

EN DROIT

I.  SUR LES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES DU GOUVERNEMENT

A.  Sur la qualité de « victime » du requérant

18.  Le Gouvernement affirme tout d'abord que, compte tenu du versement de la somme litigieuse à la Caisse des dépôts et consignations et de sa saisine pour le recouvrement des créances existantes à l'encontre du requérant, celui-ci ne peut plus se prétendre victime d'une violation ni de son droit à un procès équitable ni de son droit au respect de ses biens. En effet, le Gouvernement considère que le requérant a en réalité encaissé la somme en question, puisque celle-ci fut utilisée pour payer ses dettes.

19.  Le requérant rétorque qu'il peut toujours se prétendre victime d'une violation de ses droits garantis par la Convention et que si la préfecture d'Arkadia l'avait payé dans les délais, il n'aurait pas eu de dettes. De toute façon, il conteste le montant de ses dettes et affirme que la saisine de la somme versée à son nom à la Caisse des dépôts et consignations était illégale.

20.  Aux termes de l'article 34 de la Convention, « la Cour peut être saisie d'une requête par toute personne physique (...) qui se prétend victime d'une violation par l'une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses Protocoles (...) ».

21.  La Cour rappelle qu'il appartient en premier lieu aux autorités nationales de redresser une violation alléguée de la Convention. A cet égard, la question de savoir si un requérant peut se prétendre victime de la violation alléguée, se pose à tous les stades de la procédure au regard de la Convention (voir Malama c. Grèce (déc.), no 43622/98, 25.11.1999).

22.  La Cour a déjà affirmé qu' « une décision ou une mesure favorable au requérant ne suffit en principe à lui retirer la qualité de 'victime' que si les autorités nationales ont reconnu, explicitement ou en substance, puis réparé la violation de la Convention » (Amuur c. France, arrêt du 25 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996–III, p. 846, § 36 ; Dalban c. Roumanie [GC], no 28114/95, § 44, CEDH 1999–VI).

23.  S'agissant de la présente affaire, la Cour convient avec le Gouvernement que le paiement des dettes du requérant, moyennant la saisine de la somme déposée à son nom à la Caisse des dépôts et consignations, équivaut au versement à ce dernier de la somme allouée par l'arrêt no 175/1993 de la cour administrative d'appel de Tripolis. Toutefois, ce versement tardif ne saurait remédier à l'omission des autorités nationales de se conformer pendant une longue période audit arrêt et ne fournit pas une réparation adéquate.

24.  Au vu de ce qui précède, la Cour estime que le requérant peut toujours se prétendre victime d'une violation de ses droits garantis par la Convention. Il s'ensuit que l'exception soulevée par le Gouvernement à cet égard ne saurait être retenue.

B.  Sur le caractère prématuré de la requête

25.  Le Gouvernement plaide ensuite, dans ses observations complémentaires du 3 janvier 2003, que la requête est prématurée car la procédure interne n'est pas encore terminée. Il relève à cet égard que la cour administrative d'appel de Tripolis rendit un second arrêt constatant la créance du requérant à l'encontre de la préfecture d'Arkadia, mais affirme que cet arrêt n'est pas définitif puisqu'un pourvoi en cassation formé par cette dernière est actuellement pendant devant le Conseil d'Etat. Le Gouvernement invoque à l'appui de ses allégations une autre affaire du requérant, déclarée irrecevable par la Cour au motif que les décisions sur lesquelles l'intéressé fondait ses prétentions n'étaient pas définitives (Karahalios c. Grèce (déc.), no 62499/00, 26 septembre 2002).

26.  Le requérant répond que cette exception est soumise tardivement, puisque le Gouvernement aurait pu la soulever déjà au stade de l'examen de la recevabilité de la requête. En tout état de cause, il affirme que l'arrêt no 612/1999 du Conseil d'Etat a l'autorité de la chose jugée et a définitivement tranché le litige qui l'opposait à la préfecture d'Arkadia.

27.  La Cour rappelle qu'aux termes de l'article 55 de son Règlement, « si la Partie contractante défenderesse entend soulever une exception d'irrecevabilité, elle doit le faire, pour autant que la nature de l'exception et les circonstances le permettent, dans les observations écrites ou orales sur la recevabilité de la requête (...) ». Or, il ressort du dossier que cette condition ne se trouve pas remplie en l'espèce. Il y a donc forclusion. Il s'ensuit que cette exception doit être rejetée.

II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

28.  Le requérant se plaint que le refus des autorités compétentes de se conformer à l'arrêt no 175/1993 de la cour administrative d'appel de Tripolis a méconnu son droit à une protection judiciaire effective s'agissant des contestations sur ses droits de caractère civil. Il invoque l'article 6 § 1 de la Convention, dont les parties pertinentes sont ainsi libellées :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...), par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

29.  La Cour rappelle que le droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6 § 1 de la Convention serait illusoire si l'ordre juridique interne d'un Etat contractant permettait qu'une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d'une partie. L'exécution d'un jugement, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du « procès » au sens de l'article 6. La Cour a déjà reconnu que la protection effective du justiciable et le rétablissement de la légalité impliquent l'obligation pour l'administration de se plier à un jugement ou arrêt prononcé par la plus haute juridiction administrative de l'Etat en la matière (voir, notamment, Hornsby c. Grèce, arrêt du 19 mars 1997, Recueil 1997–II, pp. 510-511, § 40 et suiv.).

30.  Au vu des éléments du dossier, la Cour estime que les autorités nationales ont omis de se conformer dans un délai raisonnable à l'arrêt n175/1993 de la cour administrative d'appel de Tripolis, rendu le 16 novembre 1993 et devenu exécutoire au plus tard le 1er mars 1999 (paragraphe 12 ci-dessus), privant ainsi l'article 6 § 1 de la Convention de tout effet utile.

Par conséquent, il y a eu violation de cet article.

III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1

31.  Le requérant se plaint en outre que le refus des autorités compétentes de se conformer à l'arrêt no 175/1993 de la cour administrative d'appel de Tripolis porta atteinte à son droit au respect de ses biens. Il invoque l'article 1 du Protocole no 1, ainsi libellé :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »

32.  Selon la jurisprudence de la Cour, l'article 1 du Protocole no 1, qui garantit en substance le droit de propriété, contient trois normes distinctes (voir, notamment, James et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 21 février 1986, série A no 98-B, pp. 29-30, § 37) : la première, qui s'exprime dans la première phrase du premier alinéa et revêt un caractère général, énonce le principe du respect de la propriété ; la deuxième, figurant dans la seconde phrase du même alinéa, vise la privation de propriété et la soumet à certaines conditions ; quant à la troisième, consignée dans le second alinéa, elle reconnaît aux Etats contractants le pouvoir, entre autres, de réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général. La deuxième et la troisième, qui ont trait à des exemples particuliers d'atteintes au droit de propriété, doivent s'interpréter à la lumière du principe consacré par la première.

33.  La Cour rappelle ensuite qu'une « créance » peut constituer un « bien » au sens de l'article 1 du Protocole no 1, à condition d'être suffisamment établie pour être exigible (voir Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce, arrêt du 9 décembre 1994, série A no 301-B, p. 84, § 59).

34.  La Cour note qu'en l'espèce, la cour administrative d'appel de Tripolis, par son arrêt no 175/1993 (paragraphe 10 ci-dessus), avait admis une dette de la préfecture d'Arkadia envers le requérant. Cet arrêt, devenu définitif suite au rejet du pourvoi (paragraphe 12 ci-dessus), conférait donc au requérant un droit incontesté aux sommes accordées.

35.  La Cour estime, dès lors, qu'en refusant au requérant le paiement des sommes dues pendant une longue période, les autorités compétentes ont porté atteinte au droit au respect de ses biens au sens de la première phrase du premier alinéa de l'article 1 du Protocole no 1. De l'avis de la Cour, cette ingérence ne se fondait sur aucune justification valable ; elle était donc arbitraire et emportait violation du principe de la légalité. Une telle conclusion la dispense de rechercher si un juste équilibre a été maintenu entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits individuels (voir Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, § 62, CEDH 1999–II).

Partant, il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1.

IV.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

36.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

37.  Le requérant réclame les sommes suivantes au titre du préjudice matériel subi en raison du refus de la préfecture d'Arkadia de lui verser les sommes allouées par l'arrêt no 175/1993 de la cour administrative d'appel de Tripolis :

i.  62 898 935 drachmes (GRD), plus la taxe sur la valeur ajoutée pour la période allant du 5 juin 1999 jusqu'au versement, correspondant à la somme allouée par l'arrêt no 277/2001 de la cour administrative d'appel de Tripolis ;

ii.  126 472 536 GRD plus les intérêts, correspondant aux frais qu'il engagea vis-à-vis d'une banque créancière ;

iii.  31 362 267 GRD plus les intérêts, correspondant aux frais qu'il engagea vis-à-vis d'une autre banque créancière ;

iv.  2 898 851 GRD plus les intérêts, correspondant aux intérêts qu'il a dû payer à ses garants ;

v.  4 886 376 716 GRD plus les intérêts, correspondant au manque à gagner relatif à ses activités d'entrepreneur ;

vi.  150 000 euros (EUR), correspondant à la différence entre la valeur de la maison de son épouse, vendue aux enchères le 18 juin 2003 et le prix de vente obtenu.

Le requérant réclame en outre la radiation de toutes ses dettes vis-à-vis du fisc.

38.  Au titre du dommage moral, le requérant sollicite 2 934 000 EUR, plus 300 000 EUR pour réparation de la souffrance subie suite à la vente aux enchères de la maison de son épouse.

39.  Le Gouvernement affirme qu'aucune indemnité n'est due au requérant pour la période précédant le 1er mars 1999, date à laquelle l'arrêt no 175/1993 est devenu définitif. Il affirme que les prétentions du requérant sont exorbitantes et qu'aucun lien de causalité ne se trouve établi entre les violations alléguées de la Convention et le préjudice matériel dont le requérant aurait eu à souffrir. Le Gouvernement souligne que, de toute façon, l'arrêt no 175/1993 a été exécuté au travers du paiement des créanciers du requérant (voir paragraphe 17 ci-dessus). Quant au tort moral, le Gouvernement estime qu'un constat de violation constituerait en soi une satisfaction équitable suffisante.

40.  La Cour note qu'elle a conclu en l'espèce à la violation des articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1 en raison de l'omission de l'administration de se conformer pendant une longue période à l'arrêt no 175/1993 de la cour administrative d'appel et de payer au requérant les sommes que cet arrêt lui avait allouées. Elle a en outre admis que le paiement des créanciers du requérant, moyennant la saisine de la somme déposée à son nom à la Caisse des dépôts et consignations, équivalait au versement à l'intéressé des sommes dues (paragraphe 23 ci-dessus). La Cour ne saurait donc procéder au dédommagement du requérant comme elle l'aurait fait si le requérant n'avait aucunement touché les sommes dont il s'agit. La Cour ne saurait non plus indemniser le requérant en spéculant sur ce qu'aurait été sa situation financière si la préfecture d'Arkadia n'avait pas tardé à s'acquitter de ses obligations envers lui (voir, mutatis mutandis, Malama c. Grèce (satisfaction équitable), no 43622/98, § 11, 18 avril 2002). Statuant en équité, comme le veut l'article 41 de la Convention, la Cour alloue au requérant 10 000 EUR au titre du dommage matériel.

41.  La Cour estime par ailleurs que le requérant doit avoir subi un préjudice moral – du fait notamment de la frustration provoquée par la durée pendant laquelle l'administration refusa de lui payer les sommes dues – que ne compensent pas suffisamment les constats de violations. Statuant en équité, comme le veut l'article 41 de la Convention, la Cour alloue au requérant 10 000 EUR à ce titre.

B.  Frais et dépens

42.  Le requérant réclame 58 694 EUR au titre des frais et dépens exposés devant les autorités internes.

43.  Le Gouvernement estime que les frais et dépens doivent être nécessaires et justifiés. Il souligne que le requérant a assuré seul la présentation de son affaire devant la Cour jusqu'au stade de recevabilité de la requête et que, par la suite, il bénéficia de l'assistance judiciaire.

44.  La Cour rappelle que, lorsqu'elle constate une violation de la Convention, elle peut accorder à un requérant le paiement non seulement de ses frais et dépens devant les organes de la Convention, mais aussi de ceux qu'il a engagés devant les juridictions nationales pour prévenir ou faire corriger par celles-ci ladite violation (voir Hertel c. Suisse, arrêt du 25 août 1998, Recueil 1998-VI, p. 2334, § 63).

45.  En l'espèce, la Cour estime que le requérant est en droit de demander le remboursement des frais relatifs à ses demandes auprès des autorités internes. La Cour ne peut cependant accueillir la totalité des prétentions du requérant, d'autant plus que celui-ci ne produit aucune facture ou note d'honoraires relatives à ses démarches. Statuant en équité, la Cour accorde au requérant 3 000 EUR pour les frais encourus devant les instances administratives.

46.  Pour ce qui est des frais et dépens se rapportant à la présente procédure, la Cour note que le requérant, qui a été admis au bénéfice de l'assistance judiciaire, ne présente pas de demande spécifique à ce titre. Il n'y a donc pas lieu d'allouer une somme à cet égard.

C.  Intérêts moratoires

47.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À l'UNANIMITÉ,

1.  Rejette les exceptions préliminaires du Gouvernement ;

 

2.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;

 

3.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1;

 

4.  Dit

a)  que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i.  10 000 EUR (dix mille euros) pour dommage matériel ;

ii.  10 000 EUR (dix mille euros) pour dommage moral ;

iii.  3 000 EUR (trois mille euros) pour frais et dépens ;

iv.  tout montant pouvant être dû à titre d'impôt sur lesdites sommes ;

b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

 

5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 11 décembre 2003 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Søren Nielsen                                                                   Peer Lorenzen
   Greffier adjoint                                                                            Président

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